Comme nous l’avons vu dans un article précédent « Base-layer pour le ski : Quelle matière performante et écologique privilégier ? », le base-layer en laine a des atouts indéniables.
Il est excellent en thermorégulation. On peut le porter 5 jours de suite sans sentir mauvais. Il est agréable à porter et il est naturel, renouvelable et biodégradable …mais (parce que maintenant que tu nous connais tu sais qu’il y a toujours un “mais”) dans le monde de la laine il existe de nombreuses dérives.
Dans cet article, on te propose de décrypter les différents impacts de la laine. Puis de te donner les solutions qui te permettront de choisir un base-layer en laine qui sera le plus éco-responsable possible.
Sommaire :
- Les différentes étapes de production : Du mouton au sous-vêtement en laine
- Les impacts « Mouton »
- Les impacts de la transformation de la laine
- Astuces pour choisir un base-layer ayant le moins d’impact possible
Les différentes étapes de production : Du mouton au sous-vêtement en laine
On va commencer par récapituler toutes les étapes entre “la laine sur le dos d’un mouton” et “le base-layer fini sur tes épaules”.
Tu imagines bien que des étapes de transformation, il y en a plein. Avant de les énoncer, il faut savoir que pour chacune de ces étapes il y a du transport, de la main d’œuvre et des produits chimiques.
Voici donc les différentes étapes de la production d’un base-layer en laine :
Il est très rare que ces étapes soient faites dans le même pays. Très souvent le “produit” va voyager. Il peut même voyager entre chacune de ces étapes !
On ne t’apprend rien si on ajoute que plus ces étapes sont faites dans des pays ayant des législations environnementales et sociales strictes, moindre sera l’impact. L’inverse est aussi vrai.
Les impacts « Mouton »
Mais revenons à nos moutons. Parce que oui, la laine pousse bien sur le dos (mais aussi le ventre) de nos amis les bovidés.
Tu te doutes bien qu’on ne parle pas ici d’animaux sauvages, mais bien d’élevages. Et comme pour tous élevages, il existe un impact, que ce soit pour l’environnement (CO2, biodiversité) mais aussi sur le bien-être des animaux.
Voyons donc le sort que nous réservons à nos amis les moutons…
L’histoire du mérinos
A l’origine, le mérinos est un mouton espagnol reconnu pour être un très bon producteur de laine. Mais comme il en fallait encore plus, il a été croisé à de nombreuses reprises pour produire encore plus de laine. On a “agrandi » la surface de production de laine (la peau) sans agrandir la bête. Résultat … ça fait des plis.
Une brebis mérinos (le mouton femelle) c’est environ 4,5 kg de laine par an (2 fois plus qu’un autre mouton).
Le mérinos est aujourd’hui essentiellement élevé en Australie, en Chine, en Nouvelle Zélande, en Afrique du Sud et en Amérique du Sud.
En France nous avons quelques “petits élevages”, comme à Arles. Mais le diamètre de la fibre (21 microns) est un peu trop épais pour en faire des sous-vêtements techniques en contact avec la peau.
Ahh oui j’ai oublié de préciser, on utilise le mérinos pour les base-layers parce que ses fibres sont très fines, et donc très douces. Le diamètre moyen d’une fibre est inférieur à 18 micron. C’est aussi pour cette raison que les base-layers en laine mérinos ne grattent pas.
Par contre ton pull irlandais, tricoté par mamie avec une laine plus épaisse, qui gratte.. provient d’une autre espèce de mouton. Si tu veux en savoir plus sur quel mouton produit quelle laine, voici un article sympa : http://blog.bergeredefrance.fr/valeurs/les-differents-types-de-laine/
Pour rentabiliser les élevages, il faut donc industrialiser les exploitations. Dans certains endroits les troupeaux font plusieurs milliers de têtes. Le bien-être animal est donc plus délicat à gérer et bien souvent pour des soucis de rentabilité les éleveurs utilisent la technique du mulesing…
Le mulesing : une histoire de pipi-caca, de mouche et de scalpel
Ahh bon tu ne connais pas le mulesing ?? Tu ne vas pas être déçu … parce que le mulesing c’est ça :
Si tu veux en voir plus il existe plein de vidéos sur le sujet … de notre côté on se limitera à ces 2 photos.
Le problème avec les Mérinos “surproducteurs” de laine, c’est que quand ils font leurs besoins, il y a des déjections qui restent coincées dans la laine et dans les plis de peau au niveau de l’anus. Cette “nourriture” a tendance à attirer une mouche (diptère parasites) qui va en profiter pour pondre ses œufs sous la peau du mouton… ensuite les larves naissent, sortent et créent des infections qui peuvent tuer le mouton… c’est la myiase.
» L’alternative c’est de couper la queue des agneaux et de retirer au scalpel la peau autour de l’anus »
Pour éviter cela il faut tondre régulièrement cette partie du corps du mouton…Cette pratique s’appelle le crutching. Quand on a 100 moutons ça va (encore faut-il les attraper) mais quand on en a 10 000 c’est plus compliqué (enfin c’est surtout plus long).
Et justement le temps, on en n’a pas quand on veut “rentabiliser” une exploitation. L’alternative c’est de couper la queue des agneaux et de retirer au scalpel la peau autour de l’anus… comme ça il n’y aura pas de laine à cet endroit et donc pas de problème avec la myiase. Et bien sûr tout cela à vif … c’est plus rapide et c’est moins cher !
Cette pratique est très fréquente en Australie (même si cela fait des années qu’elle doit disparaître), elle tend à disparaître en Nouvelle Zélande et est interdite en Afrique du Sud.
La tonte des moutons
A l’origine, le mouton n’avait pas besoin de l’homme pour se “tondre”. Après l’hiver en se frottant contre les arbres (des sacrés frotteurs ces moutons, je n’aimerais pas en croiser un dans le métro !), ils perdaient “naturellement” leur toison.
Mais lorsqu’on élève des moutons pour leur laine, on n’a vraiment pas envie que Shaun dissémine toute sa laine aux quatre coins de la pâture… On a donc fait des sélections génétiques pour obtenir des moutons qui ne muent plus. Il faut donc les tondre au moins une fois par an, au Printemps.
Bon normalement la tonte c’est un peu comme quand on va chez le coiffeur, si on ne bouge pas trop… ça ne fait pas mal. Sauf que là le coiffeur est payé au mouton et qu’il a des dizaines de milliers de moutons à tondre sur une courte période … autant dire que ça débite (d’amarrage …tintintin… hommage à Renaud).
Et quand il faut augmenter la cadence, ce sont les animaux qui trinquent (violence, coupures, stress).
Dans certains élevages, les moutons ne sont pas nourris pendant les jours qui précèdent la tonte pour qu’ils y arrivent le plus faible possible.
La fin de vie du mouton
Alors non les mérinos ne passent pas une retraite paisible au fin fond d’un champ à bouffer des pâquerettes en tricotant le peu de laine qu’il leur reste sur le dos …
En vieillissant les mérinos produisent moins de laine… ils sont donc plus rentables pour leur viande que pour la laine. Vient donc le temps de leur offrir un dernier voyage … une croisière même.
La plupart des moutons sont envoyés en cargos, dans des conditions plus que médiocres au Moyen-Orient et en Afrique du Nord où ils seront mangés.
Cette traversée dure plusieurs semaines, les animaux sont entassés les uns sur les autres. Entre 1 et 28 % des moutons meurent* durant cette croisière … qui ne s’amuse pas du tout (* selon le Meat and Livestock Australia).
Les impacts de la transformation de la laine
Entre la laine et ton sous-vêtement « grand froid » il y a presque dix étapes de transformation. On ne va pas faire un topo sur chacune de ces étapes, mais on va se focaliser sur les 2 étapes qui ont le plus gros impact : le lavage et la teinture.
Le lavage de la laine
Il faut savoir que 75% de la laine est envoyée en Chine pour y être traitée…oui, ton base-layer a certainement plus voyagé que toi.
Voici une vidéo très intéressante sur le sujet:
“ Pour des problèmes d’environnement, toutes les usines de lavage à l’étranger ont quasiment fermé”… une responsable de l’usine chinoise.
Pour le nettoyage de la laine, plusieurs bains sont nécessaires. On utilise beaucoup d’eau chaude, mais aussi des produits chimiques. Dans les pays où les normes sanitaires sont “quasi inexistantes” ces bains peuvent être dangereux pour ceux qui travaillent, mais aussi pour l’environnement, surtout lorsque tout est rejeté dans les rivières.
La teinture de la laine
Comme pour n’importe quelle fibre, si on veut donner de la couleur au fil de laine, il faut le teindre.
Pour cela il existe plusieurs techniques :
- Les teintures végétales : moins nocives pour ceux qui les manipulent et moins de rejets polluants
- Les teintures chimiques : elles sont beaucoup plus agressives et peuvent contenir des métaux lourds.
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Les 8 raisons de préférer le ski de randonnée au ski de piste
Astuces pour choisir un base-layer ayant le moins d’impact possible
Comme on vient de le voir, la fabrication d’un sous-vêtement thermique en laine mérinos a un impact non négligeable. Si tu es convaincu par la laine et si tu souhaites réduire ton empreinte au maximum, voici quelques conseils qui te permettront de trouver un base-layer en laine qui respecte tes convictions.
Les labels : Oh “la belle” laine !
Le label pour la laine : Responsible Wool Standard
C’est Le label pour la laine “responsable”.
Personnellement on a tendance à se méfier des labels… déformation professionnelle… et même si celui-ci n’est pas parfait, il a le mérite d’exister.
Ce label va essentiellement vérifier que les moutons sont bien traités et que les terres (pâtures) sont préservées (biodiversités, etc..).
Pour obtenir le label, les 5 libertés fondamentales du mouton doivent être respectées. Autant les Droits de l’Homme on les connaît à peu près … autant les droits du mouton on peut être rapidement à sec !
Pour rappel, les voici :
- Ne pas souffrir de la faim ou de la soif
- Ne pas souffrir d’inconfort – abris, aire de repos
- Ne pas souffrir de douleurs, de blessures ou de maladies – prévention, diagnostic rapide et traitement
- Pouvoir exprimer les comportements naturels propres à l’espèce – espace suffisant, contact avec d’autres congénères
- Ne pas éprouver de peur ou de détresse – conditions et pratiques n’induisant pas de souffrances psychologiques
Bien sûr le mulesing est interdit pour pouvoir obtenir le label. Donc en règle générale on évite les productions de laine venant d’Australie. Come on mates !!
Les labels pour la teinture : Oeko-text et Bluesign
Ces labels permettent de certifier qu’aucune substance nocive n’a été utilisée lors de la fabrication du produit. Ce sont des labels reconnus qu’il faut privilégier en plus du label RWS.
La production et la transformation locale
On privilégiera au maximum une production et une transformation les plus locales possible.
Les lois locales concernant le bien-être animal, le respect social (code du travail) et le traitement des déchets (transformation) sont beaucoup plus poussés que dans d’autres pays… n’infligeons pas aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’ils nous fassent.
Une fois qu’on a dit ça on est bien content, mais il n’y a pas de troupeau de mérinos en France capable de produire la qualité nécessaire pour faire des base-layers. Au niveau de la transformation c’est également très compliqué …
Et pourtant ces dernières années, on voit germer de plus en plus de belles initiatives locales… Alors pourquoi pas un vêtement technique, à forte valeur ajoutée, comme le base-layer ?
En cherchant un peu nous avons trouvé en Haute-Loire la dernière usine française de lavage de laine.
Lavage de Laine du Gévaudan :
Autre exemple, en France on est aussi capable de tondre des mérinos sans leur faire mal :
Alors OK, ça prend du temps et le temps c’est … de l’argent … et c’est donc aussi pour ça qu’un base-layer en laine éco-responsable va coûter plus cher qu’un base-layer qui ne respectera ni l’animal, ni la planète, ni les hommes et les femmes qui les confectionnent…
A ce jour il n’est pas possible de trouver un base-layer qui serait fabriqué de A à Z en France ou en Europe… mais on a trouvé une jeune marque française, située dans le Nord (là c’est aussi mon cœur qui parle) et qui essaie de relocaliser un maximum d’étapes en Europe, en France et même dans le Nord… Cette marque c’est Ogarun (on en reparlera dans un futur article).
Des troupeaux à taille humaine
Le label RWS n’indique rien en ce qui concerne la taille du troupeau. Tant que les libertés fondamentales des moutons sont respectées, la marque peut obtenir le label.
Mieux vaut tout de même privilégier les troupeaux à taille humaine (500 à 1000 moutons) que les troupeaux usines de plus de 10 000 têtes… mais là aussi, ce n’est pas toujours facile d’obtenir cette information en magasin.
Une consommation raisonnée
Une chose est sûre, il faut garder le base-layer en laine comme une commodité et non comme un produit de mode.
Parce que oui, la laine est bien plus chère que le coton (environ 10 fois plus pour la matière brute). Et la laine d’un petit troupeau, transformée localement dans le respect des travailleurs et de l’environnement a un coût non négligeable.
» C’est aussi ce coût qui nous préservera de vouloir en racheter tous les ans. C’est ce coût qui fera qu’on en prendra un peu plus soin. »
Parce qu’il ne faut pas oublier une chose, c’est la dose qui fait le poison. Si demain tout le monde veut avoir 5 base-layers en laine éco-responsables dans son armoire… il faudra 35 milliards de sous-vêtements en mérinos… je te laisse compter les moutons !
Et si on se lançait le défi de celui qui avait le plus vieux base-layer chez lui ?
Parce qu’avoir un base-layer et l’utiliser depuis dix ans, n’est-ce pas ça la définition d’être un super héros (ou un sheeper héros) !
Bientôt un base-layer en fibre de laine recyclée ?
Et la laine recyclée dans tout ça ?
Alors même si on fait d’énormes progrès au niveau du recyclage de la laine, on voit de plus en plus de marques qui en utilisent pour des pulls par exemple. A ce jour, nous n’arrivons toujours pas à trouver le moyen d’utiliser de la laine recyclée pour refabriquer un base-layer en laine.
Le recyclage “broie” les fibres et les rend beaucoup plus courtes et fragiles, ce qui n’est pas compatible avec la fabrication d’un base-layer en laine mérinos…
Une piste possible serait de mélanger les fibres de laine recyclées avec des fibres de viscose (provenant de bois…mais attention pas n’importe lequel) … A suivre donc.
Conclusion
Un base-layer en laine mérinos c’est techniquement un excellent sous-vêtement thermique. Mais il peut être beaucoup moins bon pour l’environnement et l’éthique.
Pour rester droit dans ses convictions, il faut vérifier la provenance de la laine (Australie ce n’est pas top), avoir un label RWS, une transformation et une production la plus proche possible de notre lieu d’usage (à la fois pour le transport, mais aussi et surtout pour les réglementations sociales, et environnementales).
Dernier point, le prix. La laine mérinos coûte 10 fois plus chère que le coton, tu ne trouveras donc pas un base-layer en laine au même prix qu’un base-layer en coton ou en synthétique.
Un bon base-layer en laine qui respecte tout le monde c’est environ 100 euros.
En dessous de ce prix, il y a de fortes chances que quelqu’un soit lésé… le mouton, les travailleurs, les rivières (et donc toi).
Au-dessus de 100 euros, ça ne veut pas forcément dire que le base-layer est éco-responsable … à toi d’être attentif et de vérifier, mais au moins maintenant tu as les cartes en main !
Rares sont les magasins qui seront capables de répondre à toutes ces questions (label, taille du troupeau, provenance de la laine, lieu de transformation). Pour t’aider, nous avons déniché 6 base-layers qui répondent parfaitement à nos critères.
En attendant si tu t’interroges sur une marque en particulier, n’hésite pas à nous envoyer un email pour nous poser la question.
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Bonjour,
Que pensez-vous de la marque Dilling au Danemark ? Je viens de leur acheter un t-shirt 100% mérinos dont je suis très satisfaite. Ils ont une démarche qui semble éco-responsable même si la laine à la base vient de Patagonie. Leurs prix sont beaucoup plus compétitifs que les marques françaises et je me demandais à quoi cela est dû …
Bonjour Christine,
Nous n’avons pas évalué cette marque en « profondeur », mais en regardant rapidement leur site ils cochent plusieurs cases.
Les fiches produits sont complètes (même si je ne trouve pas les lieux de prod), la laine est mulesing free… Le prix est vraiment attractif… est-ce que cela cache quelque chose ?? Peut-être mais pour le moment je n’ai pas trouvé le loup 😉
A creuser donc et on pourra commencer par ton retour d’expérience sur la qualité et la finition du produit !
Merci pour cette découverte
Bonjour Christine,
Avec le recul, êtes-vous toujours satisfaite de votre t-shirt mérinos chez Dilling? J’ai trouvé cette marque en cherchant sur internet et je suis tombée sur votre commentaire. Je suis donc très intéressée par votre retour avant de me lancer dans un achat.
Merci.