Il y a quelques jours on s’est fait démarcher par un fabricant de poncho basé en Turquie, qui nous proposait des ponchos personnalisés à 12,50€ pièce !
En tant que “producteur” de poncho (comment « on se la pète ») ce prix nous parait complétement dément… Comment est-ce possible de proposer ce prix ?
Tout ça sans aucune négociation (on n’a pas poussé le vice jusque-là) et pour une petite série de 250 pièces… ce qui veut dire qu’on aurait certainement pu les obtenir bien moins cher !
A titre de comparaison, la fabrication du Ponchouille nous coûte au moins 4 fois plus cher. Pour rappel, le Ponchouille est fabriqué à partir de serviettes upcyclées en France, dans des ateliers d’insertion par l’emploi en France.
Dans un exercice de transparence à la Loom , voici ce que coûte la fabrication d’un Ponchouille :
Combien coûte la fabrication d’un Ponchouille
On a maintenant 2 années de recul et environ 500 Ponchouilles fabriqués. Cela nous permet d’avoir une assez bonne visibilité sur nos coûts de production.
Avant de parler chiffre il est bon de retracer toutes les étapes de la production :
1 – Récupération des serviettes dans les centres de tri textile Le Relais
Aujourd’hui on récupère des serviettes au centre de tri de Nantes. Ces centres nous mettent de côté leurs meilleures serviettes et une fois par mois on y va une demi-journée pour refaire un tri plus fin et ne conserver que les meilleures serviettes. Ces serviettes nous devons les acheter, environ 4€ le kilo et la serviette éponge ça pèse lourd !
Impact coût : main d’œuvre + achat de matière + transport
2 – Nettoyage des serviettes
On travaille avec 2 blanchisseries qui sont situées dans des ESAT (établissement et service d’aide par le travail). Nous payons le nettoyage en fonction du poids et du nombre de serviettes.
Impact coût : main d’œuvre + transport
3 – Découpage des kits Ponchouilles
Une fois les serviettes récupérées, elles sont triées par taille et couleur. Elles sont ensuite assemblées par 3 pour former un Ponchouille harmonieux, puis découpées. Il faut compter au moins 20 minutes par Ponchouille… et encore on s’est amélioré, au début on coupait avec des ciseaux, mais depuis quelques mois et les bons conseils d’Hubert de La vie est Belt (un autre upcycleur fou) nous avons investi dans un ciseau rotatif électrique !
Impact coût : main d’œuvre
4 – Couture des Ponchouilles
Une fois par mois nous allons déposer les kits Ponchouilles dans un atelier de couture (ESAT) à coté de Nantes. On en profite pour récupérer les Ponchouilles assemblés le mois d’avant.
Impact coût : main d’œuvre + achat de matière (étiquette) + transport
5 – Mise en ligne et livraison
Etant donné que chaque Ponchouille est unique, on s’est engagé à les prendre en photo un par un. On doit ensuite les mettre en ligne sur notre site. Une fois vendu il faut les emballer (les enveloppes recyclées qu’on utilise coûte 1€ pièce) et les emmener dans le point de livraison (La Poste ou point relais).
Impact coût : main d’œuvre + achat de matière
6 – Les frais bancaires et la TVA
Et oui à chaque fois qu’on utilise la CB ou Paypal, le vendeur paie des frais qui représente environ 2% du prix du produit.
A cela, il faudrait normalement ajouter tous les frais de fonctionnement de l’asso comme le site internet (hébergement et maintenance), les assurances, les frais bancaires (compte en banque), les retours (client qui n’est pas allé chercher son colis), les pertes, etc … Mais tout cela nous avons décidé de ne pas le faire porter par le projet Ponchouille. Nous les prenons en charge avec les adhésions des adhérants.
Finalement voilà à quoi ressemble la répartition des coûts pour la fabrication du Ponchouille :
Ce qui est dingue c’est que le coût d’achat de notre matière première est quasi équivalent au prix du poncho fini venu de Turquie (sachant qu’à 12€50 le fabricant turque prend déjà une marge) !!
Comme tu peux le voir le Ponchouille à la fin, il nous reste une marge de 14,80 €. Tu noteras également qu’il n’y a aucune dépense de marketing. On compte donc essentiellement sur le bouche à oreille… A toi de jouer !
A quel prix devrait être vendu un Ponchouille ?
Philippe Risoli répondrait à coup sûr « au juste prix » !
Si on était une marque avec revendeurs
Si on était une marque avec des revendeurs, alors le Ponchouille devrait être commercialisé autour de 188 € HT (coût de production de 47€ x2 pour obtenir la marge de la marque et x2 pour la marge d’un revendeur) … c’est aussi comme ça que le poncho proposé par le fabricant Turque fini en boutique entre 50 et 60€ (12,5€ x 2 pour la marque x 2 pour le revendeur).
A ce prix là on serait complètement en dehors des prix du marché. Et même si le concept est “cool” personne (ou presque) ne l’achèterait. On est régulièrement sollicité par des surf shops qui souhaiteraient le proposer, mais le niveau de marge est bien trop faible pour eux.
Si on était une marque « en direct »
Si on le vendait en direct (sans revendeur), le Ponchouille serait commercialisé à 110-120€ TTC, ce qui est également au-dessus des prix du marché.
Si on était une association
Ça tombe bien c’est ce qu’on est !
De notre côté on a fait le choix de la vendre à 69€… pas parce que c’est un chiffre qui… bon enfin tu vois quoi ! Mais parce que c’est à peu près aligné avec les prix pratiqués par les « grosses » marques (All in, Quicksilver, Picture, etc…). Même si on est quand même dans la fourchette haute.
Pourquoi produire le Ponchouille si c’est pour ne (presque) rien gagner ?
Déjà on peut le faire parce qu’on n’a pas les mêmes objectifs qu’une marque. On n’est pas une marque, on n’a pas d’actionnaire, pas d’objectif de rentabilité.
Mais on l’a fait pour 3 raisons :
Le Ponchouille c’est une preuve par l’exemple.
On passe notre vie à scruter les marques, à les critiquer (dans le sens positif et dès fois négatif). On se devait donc de montrer qu’il était possible de fabriquer des produits qui répondent à tous nos critères (environnementaux et sociaux). Le Ponchouille en est une preuve.
Comprendre l’envers du décor
Blogguer et écrire c’est une chose, faire s’en est une autre. En se lançant dans cette aventure Ponchouille cela nous permet de mieux comprendre les problématiques de l’upcycling, du made in France, de la production en générale. Grâce à ça, on peut restituer notre expérience dans des articles pédagogiques comme celui que tu es en train de lire. Mais aussi cela nous permet d’être beaucoup plus pertinent dans les audits des produits et des marques.
Offrir une véritable alternative
Ça nous a brisé le cœur de voir d’un côté des ponchos « dégueux » fleurir partout sur nos plages et de l’autre des tonnes de serviettes en bon état finir leurs vies en torchons. En gardant ce prix d’appel, cela permet à des passionnés de glisse engagés d’avoir la possibilité d’acheter un produit qui aura moins d’impact !
» Et puis c’est une superbe aventure humaine. Le contact avec les personnes travaillant dans les ESAT est tellement enrichissant !«
Il ne faut pas oublier qu’on ne dégage peut-être pas beaucoup de bénéfice, mais qu’on participe au salaire d’au moins 5 personnes !
Les marques associatives, une nouvelle voie ?
On se met à rêver à un autre modèle où l’objectif n’est pas d’avoir une rentabilité maximale en pressant sur les prestataires comme des citrons…
Parce que derrière qui va morfler ? les travailleurs.euses, l’environnement et donc in fine… nous.
Est-ce qu’une marque peut avoir cette démarche ? Dernièrement on a vu quelques marques devenir des « entreprises à mission ». C’est très bien, mais est-ce que cela change vraiment quelque chose ? N’est-ce pas encore un « coup marketing » ?
Alors pourquoi pas un modèle comme le nôtre ? Au lieu d’avoir des entreprises à mission on aurait des associations, dont l’objectif serait de produire le mieux possible en respectant vraiment tout le monde, sans recherche de rentabilité et de dividendes ?!
Est-ce que ce modèle est utopique ?
Qu’en penses-tu ?
Merci pour votre transparence 🙂
Je vote pour les marques associatives car en effet on fait une démarche éthique en achetant un ponchouille (environnement, travailleurs locaux notamment).
Il y a cependant une éducation du consommateur à réaliser: ne plus acheter un prix, acheter moins, acheter mieux… le chemin sera long mais il est tracé !
En tous cas, nous on adore nos ponchouilles! Le ponchouilloux est d’ailleurs utilisé tous les jours à la sortie du bain. c’est une 2nde vie inespérée pour une serviette Radiola 😀
Salut la Green,
Exemple hyper éclairant.
A mon sens, le modèle économique sur du textile made in France peut fonctionner si :
– comme vous l’écrivez, le revendeur accepté ce coefficient de 2
– vous acceptez d’avoir un coeff inférieur. Chez OGARUN c’est 1,6.
J’accepte ce coeff car je considère que cette démarche est aussi une démarche de communication. Les commandes passées sur mon site dans les villes où OGARUN est vendu en magasin sont plus importantes que la moyenne nationale. Je récrute en btoc grâce au btob.
– vous réalisez une part importante de votre CA en direct sur votre site. 70% pour OGARUN.
Bonjour à toute l’équipe
Jcharles
Salut les ponchouilles! Partenaire de la vie est belt depuis ses débuts, nous avons également un atelier couture situé à Tourcoing. Si ça vous dit de vous étendre un peu plus au nord et de capter de la matière de nos Relais locaux ( Hubert travaille déjà avec eux) nous serions ravis de vous rencontrer! A très bientôt! Pas nous aussi on a des ciseaux rotatifs! 😆
Salut Helmer,
Merci pour ton message. Tourcoing en force !!! Je suis originaire de Roncq et j’étais au lycée à Tourcoing… mais aujourd’hui je suis dans l’Ouest! L’idéal ça serait d’en parler par téléphone (est ce que tu peux m’envoyer ton numéro sur cette adresse : pierre@lagreensession.com).
A bientôt
Pierre