Jérémie Pichon papa de la Famille Zéro Déchet et papa surfeur

C’est en lisant un article de journal que je découvre que Jérémie Pichon, le Papa de la désormais connu “Famille Zéro déchet”, est aussi un rider. Ni une ni deux je le contacte et on décide de se retrouver autour d’un verre, face à l’Océan à Capbreton.

J’étais loin d’imaginer qu’il était autant investi dans la glisse …

Salut Jérémie, peux tu nous raconter ton histoire en quelques mots ?

C’est intéressant qu’on se rencontre parce que moi je me suis mis à l’écologie grâce à la glisse. J’ai commencé dans les années 90 et à l’époque je bossais dans le Vercors en tant qu’éducateur à l’environnement. J’étais mordu de rando et de snowboard. J’étais émerveillé de pouvoir évoluer dans ce milieu incroyable, magnifique et pur.

Au début des années 2000 je suis rentré par les opérations de ramassages de déchets sur les plages dans le mouvement Surfrider. C’est à ce moment-là (en 2001) qu’on a eu l’idée de créer Mountain Riders à Lyon et dans les Alpes. L’idée était de mêler la passion pour la glisse et la protection des milieux. J’ai passé toutes les années entre 2000 et 2010 à traîner dans ces milieux et à essayer de sensibiliser à la fois les riders et tout le monde économique et politique qui allait avec. Une station de ski ou une station balnéaire, c’est pareil, c’est systémique. Tu retrouves toujours les mêmes acteurs.

Puis après je suis allé chez Surfrider et depuis 2006 il y a la Famille Zéro Déchet.

Quand Jérémie apprend qu’il n’y a pas de neige …

Tu pratiques donc plusieurs types de glisse, mais tu te considères plus surfeur ou snowboardeur ?

Je me considère comme un gars à planches. Aujourd’hui j’ai fait de la planche à roulette avec une petite session cruiser. Le WE prochain j’espère être dans la montagne pour faire du snowboard et là en ce moment je fais pas mal de paddle et de surf. Donc oui un gars à planches ça me caractérise plutôt pas mal.

T’arrives toujours à trouver le temps au quotidien pour pratiquer tous ces sports ?

Oui je trouve toujours le temps, moins qu’avant parce que je suis papa, et que les papas surfeurs il faut qu’ils trouvent les créneaux. Mais la glisse quand tu l’as dans la peau, tu trouves toujours des solutions.

… et quand on lui dit qu’il y a des vagues !

Une journée type avec toi c’est quoi ?

Le matin je me lève je commence par faire le petit dej’ à mes gamins, je leur fais un truc énergétique à base d’oeuf et de banane. Pas de lait et pas de céréales à la con, ça sert à rien c’est du sucre. Après ça, je réponds à mes emails et aux interviews. Et en fin de matinée, je vais surfer ou faire du sport comme du vélo, du skate ou de la course à pieds.

L’après-midi je suis plutôt dans la création, j’écris, je dessine. Je récupère les gamins à l’école et le soir, j’ai soit un entraînement de Krav Maga soit j’ai un apéro… et tu sais ici, on boit souvent l’apéro, surtout à la belle saison, c’est la pena et les chipirons… Mais c’est un peu comme pour vous les Bretons …! (rires )

Pratiques-tu d’autres sports ?

Je fais du Krav Maga et je vais à la salle de sport…J’ai 44 ans et si je veux être en forme sur mes planches, j’ai intérêt à travailler tout ça !

 » Je suis tellement déçu de Kelly Slater. Qu’il fasse son ranch en plein milieu du désert, avec une consommation de flotte et d’énergie énorme… C’est un non sens… Ce n’est pas ça le surf « 

Peux-tu nous raconter ta meilleure session ?

Ah oui je m’en souviens comme si c’était hier. C’était une ouverture aux Grands Montets à Chamonix. J’étais avec un pote, il y avait 1,5 m de poudreuse. J’ai cru que j’allais mourir tellement il y en avait. On s’est tellement gavé, on en avait jusqu’à la taille, tu tombais t’étais ensevelit… Tout était magique, la luminosité, la neige. Des sessions j’en ai fait des tonnes, mais celle-là m’a vraiment marquée, je l’ai toujours en tête.

En ce moment on parle beaucoup de « la vague artificielle », pour toi est-ce une bonne ou une mauvaise idée ?

Pfffffffffffff, est-ce qu’il faut vraiment en parler ? C’est affligeant. Je suis tellement déçu de Kelly Slater. Qu’il fasse son ranch en plein milieu du désert, avec une consommation de flotte et d’énergie énorme… C’est un non sens… Ce n’est pas ça le surf.

Il le sait, lui qui a surfé tous les spots de la planète, qui est un si beau surfeur, qui est respecté par tous. Je trouve ça hallucinant qu’il ait fait ça. Et en plus que le CT aille dessus, ça me dépasse. Donner de la visibilité à ce genre de vague, qui en plus est turbide, marron, dégueu et qui est tout le temps pareil… c’est tout sauf du surf. J’espère qu’on ne va pas tomber là-dedans. Mais c’est dans “l’esprit du temps”, l’artificialisation, le parc d’attraction, la consommation, c’est triste.

Je te présente la famille zéro déchet, le grand en vert, c’est Jérémie, le papa.

Depuis que tu as commencé le surf et le snow, est-ce que tu as vu tes spots préférés se dégrader ?

La première chose qui saute aux yeux c’est l’enneigement… il y a 30 ans de ça quand j’ai commencé, on ne se posait pas la question du début de saison… là maintenant on se la pose. Moi j’habitais dans le Vercors à Villard-de-Lans, j’ai vu des mois de Février fermés. J’ai surfé sur les glaciers à Tignes et aux 2 Alpes l’Eté, maintenant c’est fini. Le glacier de Tignes qui recule de 20 m tous les ans je l’ai vécu. Le changement climatique en montagne on l’a pris en pleine face.

Ici la dégradation de l’eau on la voit, sa qualité est très souvent catastrophique. Dès qu’il y a des épisodes de pluie, on se retrouve avec une eau qui est turbide, pleine de bactéries. On se retrouve avec des gastros, des problèmes aux yeux, à la peau. Et puis il y a toutes les saletés qu’on ne voit pas, les déchets chimiques, les métaux lourds.

La qualité de l’eau ça a vraiment été un grand combat de surfrider et ça l’est toujours d’ailleurs. 

La question qu’on peut se poser est : quel va être l’impact à long terme sur la santé de tous les riders du coin ?

Conférence sur le zéro déchet, Jérémie semble à l’aise sur les planches …

Est-ce que cela change ta façon de pratiquer ta passion ?

Ma prise de conscience écologique et la glisse sont complètement liées. J’ai commencé l’écologie en montagne à ramasser les déchets sur les pistes de ski… je peux te dire qu’en 2001 on était pas nombreux. On nous prenait même un peu pour des illuminés.

Et puis j’ai eu l’héritage de mon grand père qui était paysan dans le Lot. J’y ai passé tous les étés à faire le foin, les patates, les haricots, les noix. Il n’y avait aucun déchet… même le mot n’existait pas. J’ai été vachement influencé par ce lien entre l’homme et la nature, c’était la symbiose. Ce que j’ai connu à cette époque là, je ne le retrouve plus aujourd’hui. Aujourd’hui on vit dans un monde où on est numérisé, virtualisé, aseptisé. On va de son salon, à sa voiture, à son magasin. On est “dénaturalisé”, surtout les urbains. On tire la chasse d’eau et on ne se rend même plus compte de ce qui se passe après. C’est pareil pour les poubelles. Quand on est déconnecté à ce point avec la nature, c’est difficile de respecter le milieu.

Quels conseils peux-tu donner aux riders qui veulent réduire leur impact sur l’environnement ?

Mon premier conseil ça serait d’arrêter la bagnole. Le premier impact du rider c’est le transport. Et pour les surf trip c’est l’avion. Il faut repenser ses déplacements, il faut mutualiser, collectiviser, prendre le car, le train, ne pas voyager seul en voiture. Je ne dis pas que c’est facile, parce que je ne suis pas parfait non plus, mais c’est ce qu’il faudrait qu’on s’applique à faire, repenser le déplacement.

… même s’il est bien mieux sur LA planche !

Tu parles d’avion, mais très peu de personnes sont prêtes à faire cet effort…

C’est le principe de la société actuelle, on est dans de l’ultra consommation. On te rabâche à longueur de journée que tout est illimité. Ton forfait est illimité, tu as accès au monde entier, et pour 35 balles avec les compagnies low cost comme Easyjet tu peux traverser l’Europe. On est dans une somme d’individualité égoïste qui est dans la recherche de son plaisir permanent.

Cyril Dion le dit dans son bouquin : c’est le divertissement qui tient les gens… Renoncer, se limiter, ces mots là c’est l’inverse de ce qu’on entend à longueur de journée. On est en mode crédit illimité, alors que notre planète elle, est limitée.

Si on revient à la glisse, qu’est-ce qu’on pourrait faire pour avoir du matériel qui soit éco-responsable ?

La solution c’est l’économie de la fonctionnalité. Aujourd’hui, il faut qu’on sorte de l’idée de « j’achète, je consomme,  je possède ». Il faut qu’on arrive vers de la mutualisation, vers du partage. Moi je rêve d’avoir une surfothèque sur la plage. Un bâtiment dans lequel tu as 500 boards différentes, pareil pour la combi et en fonction de tes envies, des conditions, tu choisis le matos que tu veux. Tu prends ton adhésion à l’année, les mecs font l’entretien, ils réparent. Et en plus ça serait un lieu de sociabilisation extraordinaire. Et au final personne n’aurait de board chez soi… parce que c’est quoi le temps effectif d’utilisation d’une board ? 2% du temps, le reste elle dort dans un garage. Et tout est comme ça !


Le problème du surf c’est que t’as pas un lieu précis, la côte est grande, c’est “déconcentré”.

Oui c’est vrai, mais tu peux réfléchir à des lieux bien localisés, c’est sûr que ça ajoute une petite contrainte. Mais tu as déjà des bibliothèques pour les livres, des ludothèques pour les jeux, on pourrait avoir des bricothèques pour les outils de bricolage, parce que ça ne sert à rien d’avoir une perceuse à la maison, tu ne l’utilises jamais. Le temps effectif d’utilisation d’une perceuse je crois que c’est 20 minutes dans sa vie. C’est peanuts ! Et ça c’est pareil pour tout, en fait tout dort ! 

Il faut qu’on passe du statut de consommateur au statut d’usager.

Je n’achète pas l’objet, j’achète son usage. Il faut que les marques se réinventent.

Et là on aurait un effort des industriels pour avoir du matos solide, voir même incassable ! On sortirait de l’obsolescence technologique pour aller vers des produits réparables. Ce n’est pas le modèle de l’industrie actuelle, mais il faut qu’on les amène à aller vers ça.

 » On a un Etat, qui malheureusement a été confisqué par les élites. Ces élites sont aujourd’hui des hommes d’affaires et non plus des hommes politiques. « 

Et la croissance verte, tu en penses quoi ?

C’est une blague, c’est un oxymore. C’est 2 mots qui n’ont rien à voir. C’est la conclusion de mon livre, il n’y a pas de croissance verte, il n’y a pas d’énergie verte, il n’y a pas d’objets durables, la seule chose qui est durable c’est notre mode de vie. C’est la seule chose qu’on peut changer. 
Il va donc falloir qu’on s’attaque à nos modes de vie et la première chose à faire ça va être de réduire, réduire et encore réduire… après il faut réutiliser, réparer et en dernier recycler, c’est la règle des 4 R.

On nous parle souvent de recyclage et d’économie circulaire. Mais c’est complètement faux, c’est archi faux… rien n’est circulaire. Le plastique ne se recycle qu’une fois et c’est tellement fragile qu’il faut remettre du plastique vierge pour que ça tienne. Aucune matière n’est circulaire. On est dans la dispersion totale. Dès que tu as un alliage – comme par exemple les plaquettes de médicaments – tu as du plastique et de l’aluminium, c’est un alliage. Ça tu ne peux pas les dissocier, donc ce n’est pas recyclable… et si tu regardes bien, tous nos produits sont des alliages, donc on perd tout en permanence.

La circularité ça n’existe pas, c’est une illusion, c’est un mensonge entretenu par l’Etat et les grandes entreprises. Et en premier Macron, qui dit que d’ici 2025, 100% des plastiques seront recyclés, mais j’en rigole c’est physiquement, chimiquement pas possible. C’est un mensonge ! Du plastique en alliage tu en as partout. Tu prends les gobelets en carton de chez Starbucks,  t’as un film plastique, c’est un alliage, c’est pas recyclable. Derrière, c’est enfouissement ou incinération.

C’est exactement le même problème avec les planches de surf où il est difficile de séparer la lamination du reste et donc on ne les recycle pas…

L’attirail de l’auteur zéro déchet, c’est un livre, un stylo et … une gourde !

Et concrètement comment on arrive à ça ? Par les politiques ?

C’est compliqué, parce que nos élites politiques sont les mêmes que les élites économiques. C’est la même famille, les mêmes écoles, ils fréquentent les mêmes club-house. Le mec, un jour il est ministre, le lendemain il est PDG d’Air France. Il y a aujourd’hui une corruption totale de notre élite politique et économique qui fait que les mecs ne prennent pas les décisions pour changer.

Macron est là pour servir la soupe à ces grands groupes, et il a été mis là pour ça, et c’est ce qu’il fait. On a un Etat, qui malheureusement a été confisqué par les élites. Ces élites sont aujourd’hui des hommes d’affaires et non plus des hommes politiques.

La seule politique qui fonctionne à peu près, c’est celle qui est au niveau local, comme les communautés de communes et les agglos. Là, il y a des choses qui se font, on arrive à voir les effets de la transition. Mais au niveau national et européen, on donne les pleins pouvoirs aux grands groupes, c’est l’exemple du CETA ou du TAFTA.

On est dans cette logique depuis la fin de années 80 et la chute du mur. Le mur est tombé, les patrons ont gagné, depuis c’est du capitalisme sauvage. Et la “base”, c’est-à-dire “nous”, on commence à dire non, on ne trouve plus de “sens”, on sait vers quoi ça va et on veut que ça change.

Moi je crois beaucoup au changement par l’individu, à la fois dans le professionnel et dans le personnel. Je crois que pour l’instant c’est la seule vraie carte qui fonctionne.

C’est pour ça qu’il faut sensibiliser l’opinion, il faut changer les mentalités, c’est la clef. 

Sur le site de La Green Session, on a créé un annuaire qui référence les réparateurs et les sites de ventes d’occasions spécialisés dans la glisse. Que penses-tu de cette initiative ?

Clairement c’est ça, c’est ce qu’il faut mettre en place. C’est exactement ce qu’on à mis en place dans mon dernier livre. En un je réduis, en deux je répare et je réutilise, et en dernier j’achète neuf éco conçu avec les labels etc… Parce qu’acheter du neuf, ça a clairement un impact. Donc oui vous êtes dans la bonne démarche. 

A quel autre rider (tous types de glisse) penses-tu pour être notre prochain Green Rider?

Il y a l’écosurf lodge à Seignosse. Ils ont une belle démarche dans l’éco-conception du lieu. Tu peux shaper, réparer ta board avec une démarche éco-responsable.

CREDIT illustrations: Bénédicte MORET, Bloutouf.fr
CREDIT PHOTO : Laure B
LA FAMILLE ZERO DECHET sur FACEBOOK


Un commentaire sur “Jérémie Pichon papa de la Famille Zéro Déchet et papa surfeur

  1. Barbez dit:

    Poules à poils ou à plumes? je constate tes préférences et te félicite pour ton amour de la nature et te témoigne mon admiration parce que je sais que tu te l’appliques. Personnellement je partage tes passions,
    le foot, la bière(tu en doutais?) mes amis , ma famille mais les poules je ne sais pas je n’en ai pas, ni l’une ni l’autre! Par contre je ne les mettrais pas dans le même ordre!
    Amicalement

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *